Note d'intention

Les tabous, les non-dits, les détournements de regards, les multiples réalités, ce qu’on accepte ou refuse de voir, de savoir, de croire, me font vivre la peinture comme un détonateur du perceptible. Je reconnais chez Frida Kalho son urgence de vivre, chez Marlène Dumas, la lucidité de ses portraits et la force de ce qu’elle a à révéler, chez Valloton l’étreinte de la peinture, chez Peter Doigt le paysage témoin qui a tout vu.

La fuite, le confinement, l’exil, la migration, happer l’air, la puissance et la splendeur de la vie sont autant de sujets qui m’interpellent et auxquels j’ai envie de répondre. J’en reviens toujours à ces mêmes provocateurs d’émotion que ce soit pour en charger des paysages ou des personnages, en dessin comme en peinture.

Il y a plusieurs degrés de lecture dans mon travail et chacun s’arrête là où il veut, là où il peut.

Ce que je souhaite donner à voir, d’emblée, ce sont des paysages libres, généreux aux couleurs séduisantes, qui évoqueraient parfois le jeu de la lumière et du souffle du vent dans le nuancier vert du feuillage.

Les espaces représentés sont vastes et ouverts et pourtant semblent tellement serrés dans le grand format de la toile. Puis, peu à peu, on se surprendrait à chercher dans l’image agréable une issue de secours, un trou d’air.

On se retrouve enchevêtré, empêtré dans la peinture, avec les plaisirs de ses petits effets, ses dégradés de couleurs monochromes et la densité de l’occupation de la surface. On respire parfois mal, la monochromie fait camouflage, elle étouffe les bruits sourds, calfeutre les drames.

La puissance de la couleur vient alors à la rescousse, on s’y accroche, bienveillante, elle nous offre son réconfort.

Mes paysages sont peut-être des paysages étoffés étouffés, des paysages claustrophobes, des paysages absorbants mais qui résistent tant et pourtant.

Lynda Deleurence, 2016